France | Mamoot chez les "Onion Johnnies" - Roscoff

Après avoir louvoyé dans le chenal du Four (que nos deux aventuriers ont emprunté pour la première fois, et Mamoot aussi, d'après les informations dont nous disposons) et quelques belles pointes de vitesse en vent arrière, la nuit nous cueille au large de l'île de Batz. Là, le vent refuse (c'est à dire qu'au lieu de l'avoir dans les fesses, on finit par l'avoir face à nous), le vent forcit, la mer se creuse (la radio annonce sans-cesse un BMS - bulletin météo spécial annonciateur de vent frais- sur la pointe de la Bretagne que nous essayons de laisser derrière nous) et pour ne rien gâcher, on finit aussi par avoir le courant à contre. Notre objectif - Roscoff - est tout proche, de l'autre côté de l'île de Batz, mais plus on ralentit (malgré le vent qui forcit), plus il nous semble loin. Deux ris et un petit rond dans l'eau pour enrouler le génois qui nous fait plus gîter qu'avancer donnent à notre trace une drôle d'allure, et on reçoit à la VHF un appel du sémaphore de l'île de Batz qui s'enquiert de la situation à bord (pour les non navigateurs: la côte française est jalonnée de sémaphores depuis lesquels une veille permanente des côtes est assurée - comme si des anges gardiens veillaient sur les navigateurs en herbe que nous sommes). On le rassure et on allume le moteur, mais notre Volvo MD2020 et ses 18 chevaux peinent à lutter contre le vent et les vagues et c'est finalement vers 2h du matin que nous atterrissons à Roscoff.  

Roscoff est une jolie ville pleine de granit, aux environs verdoyants témoins d'une culture maraichère bien ancrée. C'est le fief des oignons rosés, aujourd'hui couronnés par un label AOP et qui dans le temps embarquaient pour le Royaume-Uni avec les "oignons Johnnies", ces producteurs qui partaient vendre leur marchandise jusqu'au nord de l'Ecosse où ils sillonnaient les rues à pieds ou à vélo, chargés d'oignons. On les appelaient aussi les "bells breakers" car ils faisaient tinter celles de leurs bicyclettes jusqu'à ce que bris s'ensuive. La tradition s'est perdue mais le nom est resté, et nous avons croisé un "Johnny" en faisant nos courses de légumes - il ne part plus vers le Nord mais cultive toujours ses oignons et les vend à la ferme. Notre voyage nous portera donc sur la route des oignons rosés, et nous en emportons quelques kilos avec nous - pas assez pour jouer les Johnnies (il en faudrait plusieurs centaines et Mamoot est déjà trop chargé) mais assez pour se délecter en rêvant, dans le Nord, au passé. Roscoff est également connue pour sa balnéothérapie et la richesse de ses écosystèmes - rien que pour les algues, 800 espèces recensées. Le CNRS y est donc implanté et la ville voit défiler de nombreux scientifiques.

Bref, Roscoff c'est plutôt chouette et on a bien profité du coup de vent pour visiter et manger des galettes, et nous nous sentons maintenant prêts à quitter la Bretagne (la petite en tout cas) pour la Normandie ou la Grande-Bretagne, là où le vent nous portera. Les prévisions météorologiques ne sont pas stables et notre stratégie évolue en permanence. Nous envisageons nos navigations avec prudence (trop?) et rechignons encore à partir quand la météo annonce des rafales à 40 nœuds (soit 74 km/h) et une mer creuse et croisée, même avec un vent bien orienté et un bateau qui s'appelle Mamooot (et dont le nom traduit la solidité). C'est parfois un peu frustrant, on aimerait pouvoir aller là où on veut quand on veut mais on s'évite sûrement quelques moments désagréables en mer en restant plus longtemps au port. 

Prochaine étape (si la météo ne change pas): le Cotentin.

Passage de la Pointe Saint-Matthieu, à l'entrée du chenal du Four

Roscoff, ancien havre de contrebandiers et fief de l'oignon rosé

 

Le jardin exotique de Roscoff, juché sur un joli caillou surplombant la côte

Le veilleur de Roscoff regardant passer les badauds

Saint-Pol-Léon, ancienne capitale du pays du Léon dont fait partie Roscoff, dont l'influence a diminué avec l'ensablement de son port, au profit de Roscoff